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(...) pour ce qui est de l’individu, il est évident, après ce qui vient d’être dit, que son intention d’être initié, même en admettant qu’elle soit vraiment pour lui l’intention de se rattacher à une tradition dont il peut avoir quelque connaissance « extérieure », ne saurait aucunement suffire par elle-même à lui assurer l’initiation réelle. En effet, il ne s’agit nullement d’« érudition », qui, comme tout ce qui relève du savoir profane, est ici sans aucune valeur ; et il ne s’agit pas davantage de rêve ou d’imagination, non plus que d’aspirations sentimentales quelconques. S’il suffisait, pour pouvoir se dire initié, de lire des livres, fussent-ils les Écritures sacrées d’une tradition orthodoxe, accompagnées même, si l’on veut, de leurs commentaires les plus profondément ésotériques, ou de songer plus ou moins vaguement à quelque organisation passée ou présente à laquelle on attribue complaisamment, et d’autant plus facilement qu’elle est plus mal connue, son propre « idéal » (ce mot qu’on emploie de nos jours à tout propos, et qui, signifiant tout ce qu’on veut, ne signifie véritablement rien au fond), ce serait vraiment trop facile ; et la question préalable de la « qualification » se trouverait même par là entièrement supprimée, car chacun, étant naturellement porté à s’estimer « bien et dûment qualifié », et étant ainsi à la fois juge et partie dans sa propre cause, découvrirait assurément sans peine d’excellentes raisons (excellentes du moins à ses propres yeux et suivant les idées particulières qu’il s’est forgées) pour se considérer comme initié sans plus de formalités, et nous ne voyons même pas pourquoi il s’arrêterait en si bonne voie et hésiterait à s’attribuer d’un seul coup les degrés les plus transcendants. Ceux qui s’imaginent qu’on « s’initie » soi-même, comme nous le disions précédemment, ont-ils jamais réfléchi à ces conséquences plutôt fâcheuses qu’implique leur affirmation ? Dans ces conditions, plus de sélection ni de contrôle, plus de « moyens de reconnaissance », au sens où nous avons déjà employé cette expression, plus de hiérarchie possible, et, bien entendu, plus de transmission de quoi que ce soit ; en un mot, plus rien de ce qui caractérise essentiellement l’initiation et de ce qui la constitue en fait ; et pourtant c’est là ce que certains, avec une étonnante inconscience, osent présenter comme une conception « modernisée » de l’initiation (bien modernisée en effet, et assurément bien digne des « idéaux » laïques, démocratiques et égalitaires), sans même se douter que, au lieu d’avoir tout au moins des initiés « virtuels », ce qui après tout est encore quelque chose, on n’aurait plus ainsi que de simples profanes qui se poseraient indûment en initiés.

Rene Guénon, Aperçus sur l'initiation

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