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« La lumière de Ta Face »

Fâtimah, la veuve d’Abû Tâlib, était entrée en Islam avant ou peut-être après la mort de son mari, et sa fille Umm Hâni, sœur de ’Alî et de Ja’far, avait fait de même ; mais le mari d’Umm Hâni, Hubayrah, était totalement insensible au message de l’Unité divine. Il n’en faisait pas moins bon accueil au Prophète lorsque celui-ci venait dans leur maison, et si l’heure de la prière survenait au cours d’une de ces visites, les musulmans de la famille accomplissaient la prière en commun. Une fois, alors qu’ils avaient tous exécuté les prières nocturnes derrière le Prophète, Umm Hâni invita celui-ci à passer la nuit chez eux. Il accepta l'invitation mais, après un court sommeil, il se leva et se rendit à la Mosquée car il aimait visiter la Ka’bah durant les heures nocturnes. Tandis qu’il s’y trouvait, il ressentit de nouveau le besoin de dormir et s’étendit dans le Hijr.
« Tandis que je dormais dans le Hijr, raconte-t-il, Gabriel vint à moi et me poussa du pied ; sur quoi je me redressai sur mon séant mais, ne voyant rien, je me recouchai. Il vint une deuxième fois, puis une troisième et me prit par le bras. Je me levai et me tins à son côté jusqu’à ce qu’il me conduise à la porte de la Mosquée. Il y avait là un animal blanc, tenant de la mule et de l’âne, qui portait sur ses flancs des ailes qui lui servaient à mouvoir ses pattes ; et chacune de ses foulées couvrait la distance que l’oeil est capable d’embrasser. »
Le Prophète relate ensuite comment il enfourcha Burâq, car tel était le nom de l’animal, et comment, avec l’Archange à son côté qui montrait le chemin et réglait son pas sur celui du coursier céleste, ils filèrent en direction du nord, dépassèrent Yathrib et Khaybar et parvinrent enfin à Jérusalem. Là, un groupe de prophètes - Abraham, Moïse, Jésus et d’autres - se porta à leur rencontre et, lorsque Muhammad se mit à prier sur le site du Temple, ils se rangèrent derrière lui pour la prière. Ensuite, deux vaisseaux lui furent présen­ tés, dont l’un contenait du vin et l’autre du lait. Il prit le vaisseau de lait et but, laissant intact le vaisseau de vin. Gabriel lui dit : « Tu as été guidé sur la voie primordiale, et sur cette voie tu as guidé ton
peuple, ô Muhammad ; et le vin vous est interdit. »
Puis, comme cela s’était produit pour d’autres avant lui, pour Hénoch, Élie, Jésus et Marie, Muhammad fut élevé hors de ce monde vers le Ciel. Sur le rocher qui se trouve au milieu du site du Temple, il monta derechef Burâq et l’animal prit son envol en s’élevant verticalement, devenant pour son cavalier comme le chariot de feu qui avait emporté Élie. Conduit par l’Archange qui se manifestait désormais sous sa qualité d’être céleste, ils s’élevèrent au-delà du domaine de l’espace et du temps terrestres et des formes corporelles, et tandis qu’ils traversaient les sept Cieux ils rencontrèrent de nou­ veau les prophètes en compagnie desquels il avait prié à Jérusalem. Cependant, ils lui étaient alors apparus sous l’aspect qu’ils avaient revêtu durant leur existence terrestre tandis qu’il les voyait à présent dans leur réalité céleste - comme eux-mêmes le voyaient aussi - et il s’émerveillait de leur transfiguration. De Joseph, il put dire que son visage avait l’éclat de la pleine lune et qu’il avait reçu en don la moitié au moins de toute la beauté existante ’. Cette vision ne parvenait pourtant pas à faire pâlir l’admiration ressentie par Muhammad devant les autres prophètes, et il mentionna en particu­lier la grande beauté d’Aaron. Quant aux Jardins qu’il visita dans les différents Cieux, il dit plus tard à leur propos : « Une parcelle du Paradis de la taille d’un arc est meilleure que tout ce qui se trouve sous le soleil, de l’endroit où il se lève à l’endroit où il se couche ; et si une femme parmi celles du Paradis apparaissait au peuple de la terre, elle remplirait l’espace compris entre le Ciel et l’ici-bas de lumière et de parfum. » Tout ce qu’il voyait maintenant, il le voyait avec l’œil de l’Esprit ; et au sujet de sa nature spirituelle et de son antériorité par rapport aux débuts de la nature terrestre, il a dit : « J’ étais un Prophète alors qu’Adam était encore entre l’eau et l’argile. »
Le sommet de l’ascension était marqué par le Lotus de la Limite. C’est ainsi que le Coran désigne ce point extrême, et il est dit dans un des commentaires les plus anciens, fondé sur les paroles du Prophète : « Le Lotus est enraciné dans le Trône, et il marque le terme de la connaissance de tout connaissant, qu’il soit archange ou prophète-envoyé. Tout ce qui est au-delà est un mystère caché, inconnu de quiconque sauf de Dieu seul. » À ce sommet de l’Uni­vers, Gabriel lui apparut dans toute sa splendeur d'archange, tel qu’il avait été créé à l’origine. Puis, selon les termes mêmes de la Révé­ lation : Lorsque le Lotus fut enveloppé par ce qui enveloppe, son regard ne dévia pas ni ne se fixa ailleurs. En vérité, il a pu contem­pler le plus grand des signes de son Seigneur. Selon le commen­taire, la Lumière divine descendit sur le Lotus et le recouvrit, avec tout ce qui se trouvait autour, et l’œil du Prophète la contempla sans sourciller et sans s’en détourner.T’elle fut la réponse, ou l’une des réponses, à la supplique implicitement contenue dans les paroles du Prophète : « Je prends refuge dans la Lumière de Ta Face. »
Au Lotus, le Prophète reçut pour son peuple l’ordre d’accomplir cinquante prières par jour, et c’est alors que lui fut révélé le verset qui contient le credo de l’Islam : L’envoyé croit, ainsi que les croyants, en ce qui lui a été révélé de son Seigneur. Chacun croit en Dieu, dans Ses anges, dans Ses livres et dans Ses envoyés. Nous ne faisons aucune distinction entre Ses envoyés. Et ils disent : Nous avons entendu et nous avons obéi ; accorde-nous Ton pardon, Toi notre Seigneur ; c’est vers Toi que s’accomplit le grand retour.
Ils redescendirent à travers les sept Cieux comme ils étaient montés. Le Prophète a relaté ce qui suit : « Sur la voie du retour, alors que je passais devant Moïse - et quel excellent ami il fut pour vous ! -, il me demanda : “Combien de prières t’a-t-on imposées ?” Je lui dis qu’il y en avait cinquante par jour et il déclara : “La prière canonique est un lourd fardeau et ton peuple est faible. Retourne auprès de ton Seigneur et demande-lui d’alléger le fardeau pour toi et les tiens.” Je revins donc en arrière et demandai à mon Seigneur un allégement. Il enleva dix prières. Je repassai ensuite devant Moïse qui me posa la même question et fit la même remarque
qu’auparavant ; en sorte que je retournai d’où je venais et que dix autres prières me furent enlevées. Chaque fois que je repassais près de Moïse, il me faisait rebrousser chemin jusqu’à ce qu'enfin toutes les prières m’aient été retirées à l’exception de cinq pour chaque période d’un jour et d’une nuit. Revenu près de Moïse, il me posa encore une fois la même question à laquelle je répondis : “Je suis déjà retourné tant de fois près de mon Seigneur et lui ai tant demandé que j’en ai honte. Je ne retournerai plus." C’est ainsi que celui qui accomplit les cinq prières avec la foi et la confiance dans la bonté divine, celui-là recevra la récompense de cinquante prières. »
Lorsque le Prophète et l’Archange furent redescendus sur le rocher de Jérusalem, ils revinrent à La Mecque par le même chemin que celui qu’ils avaient pris pour venir, dépassant de nombreuses cara­ vanes qui faisaient route vers le sud. Il faisait encore nuit lorsqu’ils arrivèrent à la Ka’bah. De là le Prophète regagna la maison de sa cousine. Celle-ci raconte : « Peu de temps avant l’aube, le Prophète nous réveilla et, lorsque nous eûmes terminé la prière de l’aube, il déclara : “O Umm Hâni, j’ai prié avec vous la dernière prière du soir dans cette vallée, comme tu l’as vu. Puis je suis allé à Jérusalem et j’ai prié là-bas ; et voici que j’ai prié avec vous la prière du matin, comme tu le vois.” Il se leva pour partir, mais je saisis sa tunique avec tant de force qu’elle glissa sur son corps, laissant apparaître son ventre comme s’il avait été drapé d’un simple linge de coton. “Ô Prophète, m’exclamai-je, ne raconte pas aux gens ce que tu viens de dire, car ils crieront au mensonge et t’insulteront. - Par Dieu, je leur raconterai”, dit-il. » Le Prophète se rendit à la Mosquée et raconta son voyage à Jérusalem à ceux qui se trouvaient là. Aussitôt, ses ennemis triom­ phèrent car ils avaient le sentiment que le Prophète venait de leur donner un excellent prétexte à moquerie. Chaque enfant des Quraysh savait qu'il faut un mois à une caravane pour se rendre de La Mecque en Syrie et un autre mois pour en revenir. Or, voici que Muhammad prétendait avoir fait l’aller et retour en une nuit ! Un groupe d’hom­mes vint trouver Abu Bakr et lui dit : « Et maintenant, que penses-tu donc de ton ami ? Il nous dit qu’il s’est rendu la nuit dernière à Jérusalem, qu’il y a prié et qu’il est revenu à La Mecque. » Abu Bakr crut qu’ils mentaient, mais ils lui assurèrent que Muhammad se trouvait à ce moment même dans la Mosquée et y parlait de son voyage. « S’il dit une telle chose, dit Abu Bakr, elle ne peut qu’être vraie ! Qu’y a-t-il du reste de si étonnant ? Il me parle des nouvelles qui lui parviennent du Ciel à la terre en une heure du jour ou de la nuit, et je sais qu’il dit vrai. Mais cela est bien loin de vos ergo­tages . » Après quoi Abu Bakr se rendit à la Mosquée afin d’y répéter sa confirmation que « s’il dit une telle chose, elle ne peut qu’être vraie », et c’est à cette occasion que le Prophète lui donna le nom d’as-Siddîq, ce qui signifie « celui qui témoigne avec force de la vérité », ou « qui confirme avec force la vérité ». D’ailleurs, même parmi ceux que le récit avait laissés incrédules, certains com­ mençaient à avoir quelques hésitations parce que le Prophète décri­ vait les caravanes qu’il avait dépassées sur le chemin du retour, indiquant le lieu où elles se trouvaient et le moment auquel on pou­ vait s’attendre à les voir arriver à La Mecque, et parce que chacune arrivait au moment prévu, tous les détails étant conformes à ce qu’avait dit Muhammad. À ceux qui se trouvaient dans la Mosquée, il parlait uniquement de son voyage à Jérusalem, mais lorsqu’il était seul avec Abû Bakr et d’autres Compagnons, il leur parlait de son ascension à travers les sept Cieux, relatant une partie de ce qu’ii avait vu ; quant au reste, il devait le raconter par la suite, au fil des années, souvent en réponse à des questions qui lui étaient posées.
Extrait de :
Le Prophète Muhammad, sa vie selon les sources les plus anciennes
Martin Lings, Édition Le Seuil

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